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9 janvier 2024. Gabriel Attal (GA) devient le plus jeune Premier ministre français de l’histoire de la Ve république. Jusque-là, le plus jeune était Laurent Fabius, âgé alors de 37 ans.
C’est que le principal intéressé n’a que 34 ans. Il reprend le flambeau d’une Élisabeth Borne, de 27 ans son aînée. Et être chef de gouvernement d’un pays du G7 et de la 7e puissance militaire mondiale à cet âge n’est pas une mince affaire. D’autant plus qu’il doit composer avec une majorité relative à l'Assemblée nationale.
GA a un certain pedigree qu’il convenient de souligner. Il n’a pas été projeté à Matignon sur un coup de tête. Il a de l’expérience politique. Une expérience qui date de 2006. Son ascension fulgurante dans l'arène politique le conduit au gouvernement en 2018, où il assume successivement les fonctions de secrétaire d'État auprès du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, ainsi que de ministre délégué chargé des Comptes publics. Il occupe également brièvement le poste de ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse.
Au lendemain de sa nomination, une fixation médiatique s’érige : son âge.
Car à l’âge on y associe la crédibilité et la légitimité. Et à la jeunesse on y colle l’étiquette de l’inexpérience.
Quant à la question de la légitimité, une seconde interrogation surgit : une légitimité aux yeux de qui ?
En rhétorique, la crédibilité et la légitimité reposent sur la notion de l’ethos, à savoir l’image que l’on renvoie de soi-même soit sur le plan discursif (à travers nos discours) ou au préalable (avant même que l’on ouvre la bouche) pour exercer une influence sur son public.
Mais pour comprendre l’ethos, il faut l’inscrire dans la notion d’identité.
Patrick Charaudau, linguiste français et spécialiste du domaine de l’analyse du discours, conçoit l’identité à travers l’entrelacement de l’identité sociale et de l’identité discursive. La première renvoie au statut social et au rôle que l’on assume. Par exemple, GA a une identité sociale en raison de sa fonction de Premier ministre, et de ses diverses fonctions gouvernementales antérieures. Or, c’est à travers de ses actes de langage et ses comportements que se construit son identité. GA est réputé pour son éloquence, son style pragmatique et tranché. Son identité sociale, fondée sur ses années d’expérience en politique, non négligeable pour un trentenaire, lui accorde une certaine légitimité de parole que Charaudeau appelle le « droit de parole ».
Pour garantir la légitimité de son ethos, le sujet parlant doit adopter certaines attitudes. Dans le cas de GA, il adopte une attitude d’engagement, telle que conceptualisée par Charaudeau, qui implique de se positionner par rapport à ses idées et de choisir ses mots en accord avec son objectif discursif, visant à convaincre et persuader son auditoire. L’attitude adoptée doit correspondre à l’identité sociale pour garantir la légitimité/crédibilité.
Imaginons que Gabriel Attal, en tant que Premier ministre, soit confronté à une crise économique majeure. Son identité sociale en tant que chef du gouvernement le place dans une position où il doit rassurer la population et prendre des mesures efficaces. Pour garantir sa légitimité et crédibilité, son attitude adoptée pourrait être celle d'une prise de parole rassurante et proactive.En adoptant une attitude d'engagement, il montrerait sa détermination à faire face à la crise, en prenant des mesures décisives pour atténuer les impacts économiques. Sa communication serait alignée avec son identité sociale de Premier ministre, renforçant ainsi sa légitimité et crédibilité aux yeux du public et des acteurs économiques. Cela illustrerait concrètement comment l'attitude adoptée correspond à son rôle institutionnel pour maintenir la confiance et la légitimité dans des situations cruciales.
Comment garantir son ethos discursif ?
Dominique Maingueneau, linguiste français et spécialiste du discours, expliquent que deux éléments permettent d’attester l’ethos discursif: le caractère et la corporalité. Le caractère englobe les caractéristiques psychologiques, tandis que la corporalité se réfère aux traits physiques, au style vestimentaire et à la posture de l'individu.
Le caractère de Gabriel Attal, en tant que Premier ministre, pourrait se manifester à travers des traits psychologiques tels que la détermination, l’empathie et la résilience. Imaginons qu'il doive faire face à une crise nationale complexe. Son discours pourrait refléter son caractère en exprimant une ferme volonté de résoudre les problèmes, en démontrant une compréhension profonde des enjeux et en faisant preuve d'empathie envers les citoyens touchés.
Quant à la corporalité de Gabriel Attal, elle pourrait être observée dans sa manière de se présenter physiquement. Son choix vestimentaire, par exemple, pourrait être sobre et professionnel pour refléter la gravité de son rôle. Sa posture, lors des discours officiels, pourrait être droite et assurée, évoquant confiance et autorité. Ces éléments contribueraient à renforcer son image en tant que leader sérieux et engagé.
Pour garantir son ethos discursif, Gabriel Attal devrait veiller à ce que son discours soit en harmonie avec ces aspects de caractère et de corporalité. Il devrait choisir des mots et des expressions qui correspondent à sa personnalité déterminée, tout en maintenant une présence physique qui reflète son rôle de Premier ministre. Ainsi, l'alignement entre son discours, son caractère et sa corporalité contribuerait à renforcer la légitimité et la crédibilité de son ethos discursif selon les concepts de Dominique Maingueneau.
Mais plusieurs questions subsistent.
Un jeune est-il nécessairement au service de la jeunesse ?
La jeunesse coïncide-t-elle nécessairement avec un revouveau, un tournant ?
Et la représentativité générationnelle fait-elle le poids à la représentativité sociale ?
Néanmoins, l’histoire nous a prouvé ceci : «Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années», selon les mots de Pierre Corneille.