Décrypter les discours des personnalités publiques sous un angle rhétorique permet de mieux saisir les intentions, les arguments sous-jacents et les tactiques déployées. Car derrière chaque déclaration se cachent des nuances, des omissions intentionnelles ou même des tentatives de manipulation.
Prenons l'exemple de la déclaration de Jordan Bardella au lendemain du drame de Crépol en France survenu le 18 novembre dernier, où le jeune Thomas, âgé de 16 ans, fut mortellement poignardé lors d'une altercation en marge d'une festivité villageoise.
Alors, avant de décoder le message, il importe de décoder le messager. Il faut évaluer son ethos pour pouvoir prendre la mesure de sa déclaration. Aristote y associait particulièrement le caractère moral de l'orateur, renforçant la persuasion argumentative. Ainsi, l’ethos repose sur la perception de confiance.
Qui est donc Jordan Bardella ?
En quelques mots, ce jeune homme de 28 ans d'origine italienne, figure montante de l'extrême-droite, est le président du Rassemblement national, est eurodéputé, et s'inscrit dans le courant identitaire.
Examinons les éléments saillants de cette déclaration :
Son ethos paradiscursif, déployé à travers le discours, s'illustre par une posture posée, empreinte de pondération et de mesure. Son apparence vestimentaire est soignée, dénotant une certaine élégance et conférant une aura du «bon élève». Cette aura se manifeste également à travers une sobriété palpable dans ses propos, insufflant une certaine retenue dans son discours.
L'environnement visuel de la vidéo se caractérise par sa simplicité et sa sobriété. Le cadre choisi semble délibérément épuré, mettant en exergue la focalisation sur le contenu présenté.
L'usage récurrent de la métaphore du «Barbare» se révèle saisissant. Il apparaît clairement que cette référence aux «barbares» désigne les immigrants qui, selon cette perspective, résistent à s'intégrer pleinement à la culture française. Ces «barbares qui viennent pourrir vos fêtes», «qui vous poussent à modifier votre tenu», poseraient une menace à la sécurité publique.
L'opposition entre la «France qui travaille dur» et la «France qui casse» s'impose naturellement dans l'esprit de son auditoire. À travers le prisme du pathos, il cherche à susciter une réaction émotionnelle au sein de son public, visant à éveiller un sentiment d'indignation et de crainte.
D'entrée de jeu, il mobilise un processus d'identification avec cet énoncé :«Il aurait pu être votre ami, votre frère, votre enfant.» Cette stratégie vise à établir une connexion émotionnelle instantanée entre les membres de son auditoire et les personnes mentionnées, renforçant ainsi leur proximité affective avec le sujet évoqué.
Une péroraison efficace : Il conclut en incitant subtilement à voter pour le RN lors des élections à venir, bien qu'il ne l'expose pas explicitement. L'idée directrice suggère la possibilité de réguler l'immigration «sans laisser entrer chez nous des individus sans aucune limite morale». En faisant appel aux émotions, il cherche à persuader son public tout en lui proposant une orientation politique sous-jacente.
Somme toute, quelle que soit notre inclination politique, la finesse de son discours demeure indéniable. Cependant, il convient de maintenir une vigilance critique constante, en menant nos propres recherches pour authentifier la véracité de ses affirmations. Cette démarche réclame une analyse approfondie, indépendante des partis pris, afin de discerner la réalité au-delà des artifices rhétoriques.