Source : Logorrhée, Gilles Barbier (2009)
À l’école, on nous a tous appris à parler.
Mais parler ne veut rien dire.
Savoir s’exprimer avec aisance, voilà un véritable art émancipateur.
L’éloquence, étymologiquement, renvoie au «don de la parole», à l’art de bien parler, de convaincre et de persuader.
Quant à la rhétorique, qui est souvent confondue avec l’éloquence, elle renvoie aux corps de préceptes, d’exercices, de pratiques permettant de pratiquer l’éloquence.
On raconte que c’est aux alentours de l’an 465 avant Jésus-Christ dans la Sicile, une ancienne colonie grecque, que serait née la rhétorique. Elle émergea d’un impératif judiciaire en réaction à l’expropriation et à la déportation des propriétaires opérées par les tyrans Gelon et Hiéron pour installer leurs mercernaires. À la suite d’un soulèvement démocratique ayant renversé ces deux tyrans, il incombait aux citoyens dépouillés de réclamer leurs biens et leur terre devant un jury populaire. Comme la profession d’avocats n’existaient pas à l’époque, maîtriser l’éloquence s’imposait comme une nécessité.
Alors, comment venir en aide aux justiciables ?
Corax - qui signifie «corbeau» - un citoyen de Syracuse, ainsi que son disciple Tisias, rédigèrent un manuel exposant les premiers principes de la rhétorique. Ces premiers sophistes insistaient sur l’importance de transformer l’argument le plus faible en argument le plus fort. Ce n’est pas la vérité qui importe mais plutôt la vraisemblance. Une technique avancée dans leur ouvrage consiste à déclarer qu’une chose est invraisemblable parce qu’elle est trop vraisemblable, donnant ainsi son nom à l’argument du corax.
L’éloquence est à la pratique ce que la rhétorique est à la théorie.
Mais lorsque l’éloquence flirte avec un style pompeux, ampoulé, elle se mue en grandiloquence, une diarrhée verbale qui cherche à…ne rien dire. Cette diarrhée verbale que l’on appelle plus proprement la logorrhée donne l’impression que son usager emploie un langage excessivement orné, davantage pour impressionner que pour enrichir la communication. L'utilisation de la grandiloquence peut être appropriée dans certains contextes spécifiques, à condition qu'elle soit adaptée à l’auditoire, à la situation et qu'elle serve un objectif particulier.
L’éloquence est un pouvoir qui triomphe sur la force brute qui, elle, cherche à contraindre pour convaincre.
Nécessaire à la vie civique, la rhétorique est un art codifié qui n’a rien de génétique.